Vent de changement dans le monde médico-social associatif

Le secteur médico-social en France[1], qui relève de l’économie social et solidaire (ESS), a la particularité de comporter une dualité d’acteurs relevant soit du secteur marchand, soit du secteur non lucratif animé par les associations et les fondations relevant de la loi de 1901[2].

Les progrès de la médecine et de la science, qui permettent de prolonger la vie des personnes âgées et très âgées, soulèvent de nouveaux défis pour les structures d’accueil lorsque ces personnes sont dépendantes, handicapées, traumatisées ou poly-traumatisées.

Les associations et fondations sont très présentes[3] pour l’accueil des personnes bénéficiant d’une prise en charge totale ou partielle de leurs frais d’hébergement. Il existe de nombreuses formes d’établissements : EHPAD et EHPA (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou non), FAM (foyer d’accueil médicalisé), CAJ (centre d’accueil de jour), MAS (maison d’accueil spécialisée), etc…

Les intervenants publics principaux – et financeurs – sont l’Assurance maladie (pour la partie soin), les conseils départementaux (pour les coûts de résidence) et les agences régionales de santé qui pilotent et régulent l’offre d’accompagnement médico-social.

Dans ce secteur en forte croissance depuis les années 1990, on observe ces derniers mois des mouvements de fond dont les maîtres mots sont rationalisation, professionnalisation et concentration.

Les causes sont connues. S’agissant de la rationalisation d’abord, les contraintes pesant sur les finances publiques commandent que tous les projets soient pensés et mis en œuvre pour offrir à chaque personne la meilleure solution, au meilleur coût, pour elle et pour la collectivité.

Professionnalisation : l’impératif de bien-être et de bientraitance des publics concernés exige que la confiance progresse et que ceux qui assument leur prise en charge soient irréprochables. C’est un prérequis nécessaire mais pas suffisant. En effet, les acteurs associatifs médico-sociaux doivent aussi relever les défis de demain : la maison de retraite à domicile (EHPAD hors les murs), les services et soins à domicile… Le but est de faire baisser les coûts mais aussi de préserver le confort et l’équilibre de vie des personnes en les maintenant le plus possible dans leur foyer et leur environnement habituels. Ces solutions ne s’improviseront pas et ne peuvent être confiées qu’à des acteurs expérimentés et établis.

Les phénomènes de concentration enfin sont une conséquence de ces évolutions. Pour recruter les meilleurs personnels, réaliser des économies d’échelle, garantir l’adaptabilité des modes de prise en charge, faciliter le contrôle par les organismes de tutelle et les financeurs, le « marché » médico-social va connaître une accélération des phénomènes de rapprochements actuels.

On constate en effet que les outils du restructuring associatif, issus de réforme[4] de la loi de 1901, tournent aujourd’hui à plein régime.

Fusion, scission, apports partiels d’actif, traité d’apport, sont des termes qui appartiennent désormais au vocabulaire du secteur médico-social. Les acteurs les plus dynamiques se sont emparé de ces instruments juridiques pour adapter leur fonctionnement et leur dimension aux défis à venir.

Ces mouvements touchent même, de manière encore marginale, les modalités de financement des associations gestionnaires de structures d’accueil. Les recettes liées à l’activité, les fonds publics et les concours bancaires sont aujourd’hui complétés par des outils que ne renieraient pas les entreprises du CAC 40 et notamment les émissions obligataires. Pour l’anecdote, l’immatriculation au RCS des associations émettrices d’obligations est une formalité légale requise mais l’expérience témoigne que certains greffes sont encore peu familiers avec cette exigence du code monétaire et financier[5] ! Mais les prémisses des (r)évolutions à venir en matière de financement associatif sont là.

A n’en pas douter, les mouvements en cours dans le secteur médico-social associatif vont s’amplifier. Il faudra aussi compter avec la restructuration des opérateurs des services liés à l’accueil des personnes : restauration, informatique, formation, animation… Les associations gestionnaires d’établissements ont tout intérêt à filialiser ces services dans des structures commerciales qu’elles détiennent, pour en maitriser les coûts et capter les marges financières, ce qui leur permettra d’améliorer encore la qualité de leurs missions essentielles.


[1] On parle ici des établissements et services pour les personnes âgées et pour les enfants et adultes handicapés, soit plus de 18 000 établissements en France pour plus de 966 000 places (source ARS).

[2] Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

[3] La place des associations dans l’hébergement médico-social du secteur privé est prépondérante et représente environ trois-quarts de l’offre.

[4] Loi n°2014-856 du 31 juillet 2014

[5] Article L.213-10 du CMF.


Sources statistiques :

http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/seriestat142-2.pdf

http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/les-dossiers-de-la-drees/article/l-accueil-des-personnes-agees-en-etablissement-entre-progression-et

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