Contrats et coronavirus : un cas de force majeure ? Ça dépend…

Coronavirus

Extrait de Dalloz Actualité – Article rédigé par Me Ludovic Landivaux :

En cette période inédite, où il est interdit à plus de cent personnes de se rassembler depuis le 13 mars 2020 et où, surtout, l’on ne peut plus se déplacer sauf rares exceptions depuis le mardi 17 mars à midi, il est utile de mesurer les effets juridiques du COVID-19 sur l’activité économique et plus particulièrement sur le droit des contrats.

Ce sont des lapalissades que d’évoquer une France au ralenti, une économie frappée de plein fouet ou une activité digne d’un mois d’août caniculaire. L’exécution des contrats est en difficulté Nos entreprises, associations, commerçants, professionnels libéraux, etc., doivent aujourd’hui composer avec une donnée majeure qui leur est imposée : la capacité d’échanges physiques est pratiquement impossible, et ce au moins jusqu’au 15 avril 2020. Il est hélas probable que ce délai soit prolongé.

Dans ce contexte, on lit ou entend de plus en plus régulièrement, ces derniers temps, que la force majeure serait l’argument massue à utiliser pour justifier que l’on ne peut plus honorer un contrat et s’en sortir sans frais. Le 29 février 2020, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, a expliqué que le coronavirus était un cas de force majeure pour les entreprises, en particulier dans les marchés publics de l’État, justifiant l’inapplication des pénalités en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles. Il peut être tentant, dès lors, pour le débiteur d’une obligation (notamment d’une obligation de payer une prestation, par exemple) d’arguer du COVID-19, cas de force majeure, pour se dédire.

Mais, à l’instar de Fernand Raynaud qui nous apprenait qu’un fut de canon met « un certain temps » à refroidir, la possibilité d’invoquer la force majeure pour justifier une inexécution contractuelle : « ça dépend »…

S’agissant des mesures particulières annoncées le 16 mars au soir par le président de la République, telle la suspension des loyers, factures d’eau, de gaz, d’électricité, etc., on attendra les précisions dans les textes à venir. À suivre donc. Mais pour tous les autres contrats, les acteurs économiques ont pu et peuvent se trouver dans des situations où l’exécution n’a pas eu lieu. Un exemple pour illustrer le propos : une entreprise a acheté un voyage « tout compris » pour ses salariés, pour un séminaire qui était prévu avant le 4 mars 2020, c’est-à-dire avant le premier arrêté restrictif4. Le client a annulé au dernier moment cette réservation au motif de la force majeure liée à l’épidémie de coronavirus et refuse de payer au voyagiste le prix de son annulation tardive. Le peut-il ?

Pas si sûr.

Définition de la force majeure

Que dit la loi, d’abord ? Selon l’article 1218 du code civil, créé par la réforme du droit des contrats de 2016 : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ». Sous l’empire de l’ancien article 1148, le juge caractérisait la force majeure par la réunion de trois éléments : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité. Le nouveau texte reprend dans les grandes lignes ces conditions en exigeant, pour qu’il y ait force majeure, que l’événement considéré « échappe au contrôle du débiteur », ne « pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat » et que ses effets ne puissent être évités « par des mesures appropriées ». Il nous semble que toutefois la nouvelle définition est moins exigeante et les juges devraient donc, dans les temps à venir, admettre comme cas de force majeure des faits qui ne l’auraient pas été nécessairement auparavant.

Le COVID-19 : un cas de force majeure ?

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