La pression qui existe sur les finances publiques conduit fréquemment ces dernières années les villes, départements, régions, à « privatiser » certains de leurs services, notamment dans les domaines médico-social, des transports, de la culture, ou du développement économique.
Mais à l’inverse, dans certaines situations, les personnes publiques ont besoin d’accueillir ou doivent reprendre des salariés de la sphère privée titulaires de contrats de travail assujettis au code du même nom.
En pratique, tel est souvent le cas en cas de défaillance de la sphère privée et de poursuite de ses activités sous l’égide d’une personne publique.
La question du juge compétent pour connaitre des difficultés qui surviennent dans ce type de transfert de salariés s’est posée.
Dans son arrêt du 9 janvier 2017, le Tribunal des conflits a clarifié la répartition des rôles entre le juge judiciaire et le juge administratif.
Le cas d’espèce concernait une situation de refus par la personne publique d’accueillir dans ses effectifs les salariés d’une association œuvrant en matière sociale, après sa liquidation judiciaire.
Pourtant, la personne publique (ici un département), poursuivait à l’évidence les activités auparavant exercées par la personne privée et elle aurait donc dû proposer aux anciens salariés de cette association un contrat de droit public.
C’est ce que ces derniers ont fait valoir en saisissant le juge administratif.
Saisi à son tour, le Tribunal des Conflits a d’abord rappelé que lorsque l’activité d’une entreprise privée est reprise (ou poursuivie) par une personne publique, dans le cadre d’un service public administratif, celle-ci doit en principe proposer aux salariés un contrat de droit public.
Puis le Tribunal est venu préciser, c’est tout l’apport de son arrêt, que tant que les salariés n’ont pas été placés sous le régime du droit public, leurs contrats demeurent des contrats de droit privé.
Par suite, seul le juge judiciaire est compétent pour statuer sur les litiges nés du refus de l’un ou l’autre des deux employeurs successifs (le privé et le public) de poursuivre l’exécution de ces contrats de travail.
Autrement dit, si une personne privée disparait, comme dans le cas d’espèce à la suite de sa liquidation judiciaire, et si une personne publique poursuit de facto son activité, alors elle est tenue de proposer aux salariés de l’entité privée un contrat de droit public.
Mais si la personne publique ne le fait pas, au motif par exemple qu’elle n’y serait pas tenue, seul le juge judiciaire peut apprécier la réalité du transfert allégué, vers la personne publique, d’une entité économique autonome et la teneur des offres faites (ou non) aux salariés.
Si le juge judiciaire estime que le transfert est établi, alors la personne publique devra proposer aux salariés concernés un contrat de droit public.
Problème : si la personne publique est défaillante et qu’il faut l’enjoindre de faire une telle proposition, alors on doit changer d’ordre de juridiction !
En l’état de notre droit, le juge judiciaire ne peut en effet faire injonction à la personne publique de proposer de tels contrats.
Il faudra pour cela saisir le juge administratif qui devra statuer sur le refus de la personne publique d’accueillir les demandes d’intégration des salariés.
Mais attention, s’il existe un différend sur la réunion des conditions de transfert, c’est-à-dire sur l’existence même d’un transfert, alors le juge administratif ne pourra se prononcer qu’à l’issue de la décision du juge judiciaire !
Pour Claisse & Associés, l’efficacité économique dans ce type d’opération, aussi bien pour l’employeur public que l’employeur privé, de même que l’intérêt des salariés, commandent une simplification du régime.
Il suffirait, par exemple, de donner à la décision du juge judiciaire qui établit un transfert d’entité économique vers la personne publique, un effet « automatique » la contraignant à proposer un contrat de droit public aux salariés concernés.